« Nous devrions écrire aux Sénateurs et Députés, pour leur demander de tout faire en leur capacité d'élus, pour que soient renvoyés chez eux tous ces étrangers entrés ILLEGALEMENT en France, non pour travailler, non pour aimer le pays en s'intégrant, mais bien pour profiter de tous les avantages du système français, en trichant, en volant. A bon entendeur Salut ! »
Telle est la lettre que je reçois à l'instant.
Voici ma réponse :
Cher Monsieur,
Vous êtes scandalisé par l'attitude des délinquants et des voyous et je suis d'accord avec vous; que ces voyous soient de nationalité
française ou non. Mais tous les étrangers entrés illégalement en France sont-ils des voyous ?
Permettez moi de vous raconter notre histoire vécue avec Mlle Dodo. (prénom d'emprunt)
Le papa de Mlle Dodo était militant politique en RDC ex Zaïre et ayant été menacé de mort il a trouvé "asile politique" légalement en France. Il a bien fallu qu'il
y arrive illégalement ...
Dans la déclaration qu'il a faite à la France sur la composition de sa famille il a omis de mentionner Mlle Dodo née d'un premier lit.
Mlle Dodo avait 14 ans quand son père les a quittés. Sa propre Mère, sans soutien désormais, est partie vivre en Angola, laissant sa fille
Dodo au nouveau foyer de son ex-mari. Dodo a servi de domestique chez sa belle mère, sans son Père elle n'avait plus personne pour la protéger. Elle vivait la situation injustement, quasiment
comme une orpheline devant mériter son existence chaque jour. Elle aurait tant voulu rejoindre son Père. Mais celui-ci ayant omis de la déclarer, elle ne pouvait pas se rendre en France par des
moyens légaux telle une démarche à l'Ambassade. Elle a donc, à l'âge de 16, décidé de quitter son pays avec les services d'un marin qui la cacha à fond de cale dans un grand cargo pendant toute
la traversée.
Elle débarqua illégalement à Marseille où elle rejoignit son Père. Mais Dodo n'avait aucun droit en France. Elle ne figurait pas sur la
liste des enfants de son Père expatrié. L'ofpra n'en voulait pas. Comme toutes les démarches sont très longues en attendant la réponse définitive de l'Ofra, par la préfecture, son Père l'avait
inscrite à un Bac Pro. Elle profita donc bien qu'elle fut entrée illégalement des bienfaits de l'accueil de notre pays pour les mineures. Malheureusement selon l'administration il n'y avait
aucune solution connue. Finalement son Père décida de l'abandonner parce qu'expulsable, elle constituait un boulet pour lui. Elle dormit ici ou là, chez des amis ou à la rue tout en allant au
lycée professionnel.
C'est à ce moment là qu'une assistante sociale me téléphona : "Monsieur le pasteur cette jeune fille qui a maintenant 18 ans est à la rue.
Elle est en danger moral. VU qu'elle est protestante je pense que c'est à vous à vous en occuper. Qu'allez-vous donc faire ?" - pas mal non comme apostrophe, non ? Qu'auriez-vous fait à ma place
? Auriez-vous dit que cette jeune fille devait être conduite tout de suite à la Police et renvoyée chez elle, sans famille, au Congo RDC ?
j'ai répondu sans plus réfléchir, :" Madame nous avons une chambre de libre, vous pouvez l'amener chez nous." Vers 19h un prof du lycée
professionnel la déposa chez nous avec sa valise.
Nous entrions dans l'illégalité en accueillant chez nous une jeune fille entrée illégalement en France et de surcroît déboutée de tous ses
droits et expulsable parce que sans papier.
Je vous passe bien des détails et nos recherches pour trouver de l'aide et des conseils... aucune issue ne semblait possible. Mais Dieu débloqua notre situation.
Nous avons été conseillés par un haut magistrat de la République sur les articles de loi à invoquer avec précision pour cette situation. Nous l'avons fait, le diaconat de la paroisse a payé un
homme de loi pour rédiger des actes légaux reliant le Père et la fille. Un an plus tard Dodo était déclarée" réfugiée" et pouvait vivre légalement en France. Elle a continué d'habiter chez nous.
Elle a achevé son BEP commerce, aujourd'hui elle a un travail et un logement, elle paie ses impôts comme tout le monde. Sa gentillesse et son amitié nous
comblent toujours lorsque nous avons la chance de la revoir.
Alors à quel moment était-elle une profiteuse, un voyou ou une délinquante ?
Quand aurait-il fallu la renvoyer chez elle ?
Avons-nous eu tort de ne pas la livrer à la police et de la garder pendant 18 mois sous notre toit ? Pas simple de répondre à ces
questions? N'est-ce pas ?
Abraham a obtenu la rédemption de Sodome s'il s'y trouvait 10 justes dans la ville !
Ne pensez-vous pas qu'il y a 10 personnes comme Dodo, qui vaillent la peine qu'on se mette en peine pour elles ?
Ne sommes nous pas plutôt attachés à notre confort plus qu'à l'amour de l'humanité.
En 1950 quand je naissais. le confort des maisons étaient bien moindre mais on vivait quand même.
Aujourd'hui où nous nous sommes considérablement enrichis, que voulons-nous défendre, notre niveau de vie ? nos richesses ? ou l'amour pour
autrui ?
Pour nous chrétiens que faisons-nous de cette parole de l'apôtre Paul :
- Christ s'est fait pauvre pour nous, afin que par sa pauvreté, nous soyons enrichis. ?
Pour Dieu les plus justes d'entre nous sont encore des délinquants, pourtant il est venu jusqu'à nous, tel est son abaissement, pour nous
enrichir de son amour.
Quelle place laisserons-nous aux plus pauvres ?
Sont-ils des humains de la même chair que nous ?
Sans doute lorsque nous aurons fait le maximum devrons-nous limiter notre action, mais faisons-nous aujourd'hui le maximum ?
Voilà cher Monsieur ma contribution à la réflexion que vous nous avez courageusement proposée. Il y a certainement plusieurs manières
d'aborder ces questions.
Vous nous avez parlé avec franchise, je l'ai fait également.
Que l'Esprit de Dieu vous éclaire et nous conduise tous dans la Vérité.
Votre en Jésus,